vendredi 11 février 2011

EPILOGUE 
 


Me voilà à la fin de mon abécédaire. J’ai revécu de bons moments, des moments plus tristes et je réalise que, tout compte fait, j’ai traversé ma vie gaie avec quand même beaucoup de chance. 

La tradition veut que sous l’abécédaire on brode un objet, une fleur ou un animal qui nous plait. Moi, je vais broder un papillon. 

En effet, toute une partie de ma vie sentimentale n’a été que papillonnage, de butinage de fleurs en fleurs, de poses de buissons en buissons, de plages en plages, de lits en lits.
Et puis un jour, je me suis arrêté et, depuis vingt ans, je me suis posé. Je ne regrette pas du tout ma période précédente et ne pense pas que ce soit du temps perdu, j’ai été très heureux dans ma vie de dragueur, je le suis maintenant dans ma vie de couple.

Peut être fallait-il que j’assouvisse toutes mes envies, tous mes fantasmes, pour être assez mûr pour une vie stable. Il a fallu que je butine pour connaître toutes les facettes de la vie gaie, il fallait que je me pose pour m’épanouir.  

Il y a des tas de mecs dont je ne me souviens même plus du nom, il y en a eu qui n’ont été qu’une bouche, une bite ou un cul. Il y en a eu d’autres qui sont restés une semaine ou deux dans ma vie ou dans mon lit et que je préfère oublier : je m’étais alors trompé en pensant que ça pouvait mener à quelque chose d’autre qu’une baise. Et ce que j’ai vécu alors, compte tenu de mon âge, je ne pourrais plus le vivre maintenant.  

J’ai donc eu beaucoup de chance de pouvoir le vivre et j’ai encore plus de bonheur à être ce que je suis maintenant : je n’ai aucun remord et aucun regret.

 Quand je lis les posts sur les forums sur l’homosexualité, j’ai souvent de la peine pour tous ces jeunes qui viennent faire part de leurs problèmes, leurs angoisses, leur désespoir. J’ai envie de les prendre dans mes bras, de les aider, les chouchouter, les câliner et les guider. Ils ne savent pas profiter de la chance qu’ils ont de ne pas avoir à se libérer de tas de problèmes que nous avions à notre époque. L’homosexualité est non seulement dépénalisée mais protégée par les lois antidiscriminatoires et sinon acceptée, du moins largement tolérée. On sait maintenant comment ne pas se faire contaminer. On peut choisir une vie de papillon ou une vie de couple. Il y a plus de lieux de drague sécurisés comme les saunas, les bars, les meeting-places … et ces lieux sont quand même généralement beaucoup plus propres et avenants qu’il y a seulement vingt ans. A cette époque on baisait au milieu des kleenex, des préservatifs jetés à la va-vite, des merdes. Le confort relatif qui est proposé rend la rencontre plus agréable et il est plus aisé de profiter l’un de l’autre quand on n’a pas peur qu’un mec veuille se glisser dans le buisson avec nous ou que les flics ne se pointent pour un contrôle d’identité.  







J’ai bien sur, de temps en temps, une grosse montée d’adrénaline quand je vois un beau mec passer à poil sur la plage devant moi. Chaque âge a ses plaisirs, à la drague a succédé le plaisir des yeux ! Je ne suis pas frustré au point de vue sexuel et je peux donc profiter de tout sans jalousie. 

J’ai été et je suis encore heureux : le papillon a réussi à ne pas se brûler les ailes. J’ai eu une vie passionnante, heureuse, épanouie et j’en suis chaque jour plus heureux. Allez, lâchez vous à votre tour, prenez votre courage à deux mains et l’ouvrage avec les autres, brodez votre abécédaire et vous réaliserez que la vie, c’est quand même sacrément chouette. 


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