mardi 22 février 2011


V. comme Vincent.  

J’ai redoublé ma terminale. Ben oui, j’avoue ne pas être un petit génie, et me suis donc retrouvé à la rentrée scolaire avec des garçons et des filles dans l’ensemble plus jeunes que moi et que je ne connaissais pas. 

Je ne savais pas, à l’époque, ce qu’était l’homosexualité. Mes parents n’évoquaient pas cette perversion, les journaux non plus et je n’avais vu qu’une émission qui en parlait. Les invités invertis étaient l’écrivain Jean Louis Borry et un imitateur connu à l’époque : Claude Véga. Je savais qu’on disait aussi que Jacques Chazot et Jacques Charron  étaient eux aussi de la pédale et que le coiffeur du salon où allait ma mère l’était aussi. Je ne me sentais en aucun cas proche d’eux et pour moi, l’homosexualité c’était simplement des hommes qui vivaient comme des femmes, donc des ratés de la nature ! 
Par contre, dès le premier jour, je me suis senti attiré par Vincent. C’était un fils de commerçants connus dans la ville. Il était très beau, toujours bien habillé, portait de belles cravates (élément imposé par le règlement intérieur du lycée) et était d’une gentillesse rare entre potaches. Avec le prestige que me donnait mon statut de redoublant  ( je connaissais les profs et les habitudes des lieux), j’ai pu l’approcher sans difficulté. 

Nous sommes devenus amis. Le soir, après les cours, il venait parfois à la maison et nous restions des heures à refaire le monde. Il rentrait chez lui pour le repas du soir et moi je restais seul pour constater que le monde était toujours le même.  

Le seul endroit où je pouvais me branler sans que ma mère ne s’en aperçoive, c’était la douche. C’est donc là que je m’adonnais à ce petit plaisir solitaire en culpabilisant à mort et en rêvant à une découverte plus profonde de la sexualité avec mon prof de piano ou une copine de classe. Parfois je me disais que ce serait génial de savoir si Vincent se branlait lui aussi mais je n’osais pas lui demander. Toutes les filles de la classe lui tournaient autour mais il ne me disait jamais s’il avait déjà couché avec l’une d’elles. 

Cette pratique de la masturbation me troublait et j’ai recherché dans des bouquins de psycho de ma frangine si c’était grave ou pas. Je me doutais bien que, contrairement à ce qu’on disait, ça ne pouvait pas rendre sourd mais qui sait ! 

J’ai donc découvert que non seulement ça ne pouvait pas faire de mal mais qu’en plus, c’était une découverte de la sexualité chez les ados et que cette pratique, si elle restait transitoire, ne pouvait pas être considérée comme pathologique. J’étais ados donc je pouvais m’en donner à cœur joie si l’on peut dire et je ne m’en suis pas privé. 

J’ai aussi découvert dans le Dacco, livre de psycho très connu à l’époque, que l’attirance pour une personne du même sexe était commune à l’adolescence. J’ai donc pu me branler avec plaisir et délectation en pensant à Vincent. J’espérais, en me masturbant pour lui qu’il en faisait autant en pensant à moi. J’attendais avec impatience le second trimestre ou les heures de plein air seraient réservées à la piscine ce qui me permettrait de le voir nu. 

Début janvier, le prof de gym nous a avertis qu’il faudrait apporter un maillot de bain et une serviette plus un savon dès la semaine suivante pour aller à la piscine. J’ai passé une semaine de double branlette : je ne me tenais plus, j’allais enfin le voir à poil. 

Je me suis débrouillé pour être à coté de lui dans les vestiaires mais quand nous nous sommes dévêtus, il avait déjà son maillot sur lui. Quelle déception ! Et moi, la queue déjà raide, rien qu’à penser à voir la sienne, je me suis drapé dans ma serviette pour cacher ce qui m’arrivait et mettre le maillot. 

A la fin de la séance, il a sorti son slip de son sac, mon cœur battait à 140. Mais, tout naturellement, il est parti se changer dans les WC. Je ne vous dis pas la frustration. Les habitués des gymnases, ceux qui avaient des poils ou une grosse queue  se pavanaient nus, les autres, dont je faisais partie se cachaient derrière la serviette ou dans un angle de la pièce et Vincent était dans les chiottes. Et ça a été comme ça toute la saison d’hiver : je n’ai jamais vu Vincent à poil. 

Notre amitié continuait mais je me sentais coupable de mon attirance pour lui et n’osais aborder le sujet. Lui, de son coté, ne montrait rien de ce qu’il pouvait éprouver pour moi mais je sentais qu’il recherchait ma présence. En sport, il était toujours à coté de moi. A la récré, il me reprochait d’aller vers d’autres groupes. Le soir, après les cours, il était visiblement malheureux si je devais aller chez ma grand’mère ou à mon cours de piano. Mais l’année s’est passée comme ça. Nous avons eu notre bac et comme nous avions choisi des voies différentes. Après l’été pendant lequel nous ne pouvions pas nous voir, lui étant dans leur maison de famille à la campagne et moi moniteur de colonie de vacances à l’océan, nous ne nous sommes plus que rarement croisé dans des boums le samedi soir puis plus vu du tout.  

J’ai su que, comme moi, il s’était marié. J’ai très souvent pensé à lui quand j’avais des doutes à propos de mon orientation sexuelle et me demandais si j’étais vraiment fait pour le mariage. On parlait plus d’homosexualité dans les médias et je me demandais sérieusement si ma vie était vraiment faite pour le mariage et les enfants. Je regardais de plus en plus les mecs. J’essayais de mater dans les chiottes les queues des voisins d’urinoir … Jusqu’au jour ou j’ai franchi le cap.  







J’ai su quelques années plus tard que Vincent s’était suicidé à cause de problèmes de couple. Je me suis toujours demandé si, en réalité, en vivant ne serait-ce que dix ans plus tard, nous n’aurions pas franchi le pas ensemble et s’il ne serait pas encore vivant. J’envie parfois tous ces jeunes mecs qui ne savent pas comment notre jeunesse a été pénible et la découverte de notre homosexualité vécue comme une catastrophe et une honte. 

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