mardi 1 mars 2011




S. Les Simon sont plus jeunes que moi, les Serge aussi puisque la mode de ce prénom n’est vraiment arrivée qu’avec Gainsbourg et Reggiani. Moi, c’est Seb qui a marqué une partie de ma vie. Seb, rien à voir avec la cocotte minute (c’est le surnom qui était donné dans le milieu gay à un célèbre journaliste dans les années 80 parce qu’il ne fallait pas cinq minutes pour se le faire) mais Seb comme Sébastien. 

J’ai, comme pas mal de mecs de ma génération, milité un temps dans une association de lutte contre le SIDA. Nous étions les plus touchés par la maladie et peu de gens se sentaient concernés hors de notre communauté. J’ai donc distribué des capotes, fait des manifs…enfin, fait ce que faisaient à l’époque les militants engagés dans cette lutte. 

Sébastien s’est arrêté un jour à notre stand. Il a posé pas mal de questions sur la contamination, la maladie et la prévention. Il était jeune et beau et nous avons tous été ravis de l’informer avec force détails. Nous avons été convaincants puisqu’il nous a demandé si nous avions besoin de volontaires motivés à nos cotés. Si sa grand’mère nous avait posé la même question, je ne suis pas certain que nous aurions accepté cette aide avec autant d’enthousiasme. Il faut reconnaître que dès qu’un mec est beau, même si ce n’est pas pour le mettre dans notre lit, nous avons quand même une forte tendance à essayer de le séduire. Il y a chez chaque pédé un coté chasseur prêt à tout, ne serait-ce que pour savoir si son charme est toujours intact. 
Et moi, à cette période, je venais d’être plaqué par mon mec qui avait été séduit par une jeunesse niaise comme pas deux mais qui avait l’innocence du jeune âge, le physique adolescent, l’intelligence d’un régiment de coiffeuses  blondes et un œil d’un vide sidéral qui ne s’éclaircit qu’à l’apparition d’une carte visa gold (qui c’est qui a dit que j’étais jaloux ?). Donc le petit et merveilleux Sébastien pouvait parfaitement être l’outil de ma vengeance (« tu vois connard que je ne suis pas encore hors circuit ») et joindre l’agréable à l’utile. Celui là, je ne me le laisserai pas souffler sous le nez. 

J’ai donc fait la danse des sept voiles, essayé de briller de tous mes feus (je n’ai pas de visa gold !) Et j’ai séduit Sébastien dit Seb ou bébé dans les moments intimes. 

Il était jeune, beau, intelligent, gentil, affectueux, doux, ironique, attentif et avait un corps de rêve. J’ai donc rêvé devant, derrière, dessus, dessous, dans la cuisine, dans la salle de bain, dans le lit et debout contre la porte d’entrée. Ma récente détresse de mec abandonné décuplait mon désir d’amour. Amour intellectuel, Amour sensuel, Amour physique : je débordais d’énergie affective. Il aimait ça ! 

Nous avons fait beaucoup d’envieux au sein de l’association et j’ai fait beaucoup de jaloux parmi mes amis. Et s’ils avaient su comme nos nuits étaient aussi belles que nos jours. Il avait la peau douce, un corps lascif qui ne demandait qu’à donner et prendre du plaisir. Je ne parle pas de sa bouche qui embrassait avec fougue, léchait comme une vielle chatte et suçait comme un dieu. Ses mains étaient caressantes, elles s’adaptaient à chaque recoin de mon corps. Mon Dieu comme j’aimais ses doigts remontant sous les couilles jusqu’à la verge et enveloppant ma queue pour venir titiller mon gland. 
C’était un expert de la capote. Avec lui, mettre un préservatif, ce qui est vraiment souvent considéré comme une corvée tue-l’amour, devenait un jeu. Il arrivait même à m’en poser une avec la bouche ! Quand certains tartinent le gel à la va vite, lui en faisait un moment de massage érotique et j’étais déjà accroché au lustre avant qu’il ne m’ait pénétré. La vie était un jeu, l’amour était un jeu : tout avec lui n’était que jeu.  

Nous nous sommes installés très vite ensemble pour ne pas perdre une minute de plaisir et, avant de partir au travail, en rentrant, les week-ends, nous voulions profiter l’un de l’autre. Les séances prévention à l’association étaient devenues pour nous des corvées. 

Au bout de plusieurs mois de vie commune, nous avons décidé de faite le test SIDA pour pouvoir abandonner la capote. Avant notre rencontre, j’avais eu des comportements à risque, lui aussi. J’étais mort de trouille à l’idée d’apprendre une séropositivité qui à l’époque signait un acte de mort à plus ou moins brève échéance. Le couperet est tombé un vendredi : j’étais séronégatif et lui séropositif. La machine s’est enraillée. J’ai essayé de lui montrer que pour moi ça ne changeait rien, par contre lui culpabilisait, pleurait beaucoup, n’osait plus nos jeux, avait peur que le préservatif ne se déchire. Et puis un jour il m’a dit qu’il préférait retourner vivre seul. Si moi je me sentais la force de vivre sa séropositivité, lui ne se sentait pas le courage de me la faire subir. Il m’a quitté en nous laissant effondrés tous les deux. Il n’a pas lutté et est parti très vite. J’ai mis très longtemps à m’en remettre et à culpabiliser de ne pas avoir assez insisté pour l’accompagner de mon amour. Et le temps passe et j’ai depuis vécu à nouveau de très bons moments mais il y a des personnes qu’on n’oublie jamais. Seb est de ceux là ! 








Mon abécédaire est pour lui un peu comme les patchworks que faisaient dans les années SIDA l’association Names Project. 
 

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